vendredi 26 août 2016

Uma Rapariga no Verão (Vítor Gonçalves, 1986)

  

    Il n’est pas étonnant que Uma Rapariga no Verão, ou A Girl in Summer, soit aujourd’hui un film quasi-oublié. De même que pour Okaeri, dont je parlais il y a exactement un an, il s’agit d’un film probablement trop sensible pour son époque, une œuvre sans le sou (réalisé avec le budget d’un moyen-métrage) et qui, surtout, ne se débarrasse jamais totalement de son manteau de mystère. C’est aussi un film qui, à l’instar de ses personnages, parfois trébuche. Malgré cela, le premier film de Gonçalves se maintient debout sans l’aide de personne, réfutant même les idées d’éphémérité que pourrait drainer son titre.

    Des adolescents déjà adultes vivent une fin d’été. Isabel (Isabel Galhardo) ne sait plus où elle en est avec son petit ami Diogo, son père (les deux hommes collaborent à la radio, le premier enregistre les textes du second, histoires aux sonorités de l’aventure et de la science-fiction), sa soeur, ses études… Si Isabel peut parfois se raccrocher à cet été qui couve déjà l’automne, se chauffer aux rayons de soleil qui englobent les arbres comme eux-mêmes encerclent la maison paternelle, il lui demeure impossible d’ignorer la constellation de problèmes concrets qui l’enserre. A peine esquissés par le film, les urgences que constitue le besoin de trouver un travail, un appartement, réussir ses examens… façonnent pourtant la scission entre Isabel et son monde. Il y a, surtout, le sentiment de devoir toujours attendre le feu vert des autres, en particulier Diogo. Au cours de cette dernière semaine de vacances, les pâturages perdent leur saveur d’antan et la déambulation a laissé place à l’angoisse de l’attente. Là où elle se rend, Isabel est à la recherche d’une chose qui ne ferait sens que pour elle, un environnement lisible uniquement par elle. Mais c’est la sécheresse  qui domine.
    

    Ce n’est pas juste la fin d’un amour qui guette Isabel et Diogo (quel amour, en fait ?), mais quelque chose de plus sinueux. Les deux amants sont contaminés par un malaise rampant qui s’étend au monde entier. Nés trop tôt ou bien trop tard, ces deux vieux adolescents de la fin des années 80 pourraient bien porter sur leurs épaules une décennie 70 déjà obscurcie par ses idéaux avortés. Pour conter cette angoisse lancinante qui encerclerait Lisbonne et la campagne, le 16mm nocturne prend le risque d’inverser la temporalité et l’on a peur de rester figé tout jamais. Dans le studio de radio résonnent des histoires fantastiques, berceaux d’un monde alternatif dont la porte d’entrée demeurerait invisible. Mais la serrure en serait de toute façon rouillée; les thèmes coloniaux comme ces histoires du futur semblent déjà périmés, Diogo ne veut plus enregistrer tandis que le père d’Isabel ne désire plus écrire. 

    Tout cela est loin de signifier l’abandon général; Gonçalves ménage dans son récit des accélérations surprenantes, et permet à Isabel de s’emparer de n’importe quelle excuse pour fuir sa situation (prendre la main du dragueur local comme devenir employée de bureau). Si la techno en discothèque est froide, si elle peut inquiéter, la musique d’Andrew Poppy (The Beating of Wings) au contraire pousse les personnages vers l’avant, leur dégringole dessus, les harcèle presque. Dans ses travellings arrière, ses entrées de champ, A Girl in Summer effleure alors un certain romantisme américain. Ce pourrait être un film d’espionnage et d’aventure à la fois : il faut agir au plus vite car le monde est en danger, il s’écroule ou alors un météore le vise (on pense à Mauvais Sang). Et puis il y a ce vrombissement d’avion qui vient plusieurs fois obscurcir les dialogues énoncés par les personnages, une présence du hors-cadre qui paradoxalement les empêche d’expliciter leurs rêves de lointain — Macau ou l’Afrique — avant que de ce lointain ne surgisse un chasseur à la gueule de bois, ou l’Histoire confrontée à sa réalité coloniale. On est chez Monteiro autant que chez Zucca.

     Un autre rapprochement entre A Girl in Summer et Okaeri : de même qu’il s’agissait de la seule apparition à l’écran de Miho Uemura, Isabel Galhardo semble elle aussi avoir disparu dans les limbes du cinéma. Au contraire, on retrouvera les acteurs masculins chez Oliveira, Monteiro, Ruiz, etc. Presque une évidence, à l’égale de la sensibilité du film qui, comme son héroïne, refuse de décider. Une fille en été, mais la nuit, donc.

Vincent Poli




Note de rareté : 3/5. En 2013, Vítor Gonçalves a réalisé son deuxième film, The Invisible Life, ce qui permit la relative redécouverte de A Girl in Summer. Le film est désormais visible sur Youtube. Aucun DVD.

1 commentaire:

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